mercredi 5 décembre 2012

Foutage de Gueule ?

"Le Monde" publie le contenu de l'accord secret conclu entre le gouvernement et ArcelorMittal
La réunion entre les syndicalistes de Florange (Moselle) et le premier ministre Jean-Marc Ayrault, prévue ce mercredi 5 décembre à 18 heures, risque de virer à l'explication de texte. L'accord signé entre ArcelorMittal et le gouvernement, que Matignon refuse de publier mais dont Le Monde s'est procuré une copie, est en effet loin de lever toutes les interrogations sur le site lorrain du numéro un mondial de la sidérurgie.

Dans ce document de – seulement – deux pages, il est ainsi indiqué que les 180 millions d'euros d'investissements sur cinq ans promis par ArcelorMittal seront certes "réalisés de manière inconditionnelle", à la différence de ceux promis par Lakshmi Mittal à Nicolas Sarkozy en 2008. Mais "les investissements stratégiques" ne représenteront que 53 millions d'euros de l'ensemble.

Tout le reste, ce sera "le flux d'investissements courants, les investissements de pérennité, santé, sécurité et progrès continu, et la maintenance exceptionnelle", c'est-à-dire un vaste fourre-tout où à peu près tout et n'importe quoi peut être comptabilisé, et notamment les frais de maintenance. Exactement ce que craignaient les syndicats, qui accusent Lakshmi Mittal de vouloir faire passer pour une concession de sa part des dépenses qu'il était de toutes façons obligé d'effectuer.

Néanmoins, il est indiqué que le train à chaud, un équipement stratégique du site, "fait partie des outils majeurs du dispositif de laminage" de l'entreprise et verra donc son niveau de production "maintenu autour de 2 millions de tonnes par an pour alimenter en bobines l'aval de la Lorraine ". Cette pérennisation du train à chaud était réclamée depuis longtemps par l'intersyndicale de Florange.

SÉCURISER L'EMPLOI

Concernant les activités de packaging (fabrication du métal pour boîtes de conserve et canettes), dont une ligne sur deux seulement fonctionne actuellement sur le site, il est écrit noir sur blanc que "ArcelorMittal concentrera les activités de l'amont du packaging de l'entité Atlantique et Lorraine sur Florange ", ce qui devrait assurer la survie des lignes d'étamage "pendant cinq ans" et sécuriser du même coup l'emploi sur la même période. En échange, "l'activité amont de Basse-Indre [un autre site d'ArcelorMittal situé en Loire-Atlantique] sera mise en arrêt temporaire" et l'activité de recuit d'Ebange, une usine du groupe située près de Florange, pourra être mise en "arrêt temporaire" elle aussi, "en fonction de l'optimisation des carnets".

Mais, peut-on lire dans cet accord, "ce transfert d'activité n'impactera pas les effectifs inscrits à Basse-Indre", un engagement sur lequel Jean-Marc Ayrault s'est battu puisque ce site est situé dans son fief électoral, près de Nantes.

Concernant Ulcos, le programme de recherche sur la captation du dioxyde de carbone (CO2), présenté par Matignon comme la bouée de sauvetage des hauts-fourneaux de Florange, les engagements d'ArcelorMittal sont là aussi très succincts. S'il est indiqué qu'Ulcos "reste un projet important pour développer de nouvelles solutions mieux adaptées aux enjeux du changement climatique", il est aussi clairement écrit que "l'état actuel des résultats de la recherche ne permet pas de passer directement sur le démonstrateur industriel de Florange". Autrement dit : le projet n'est pas près de voir le jour.

Seul engagement concédé par Lakshmi Mittal : son groupe "va proposer (...) de continuer à travailler sur le projet de recherche et de validation technologique, en s'appuyant notamment sur l'expertise du centre R&D de Maizières-lès-Metz".

Conséquence, les "installations de la phase liquide seront mises sous cocon dans l'état actuel et compatible avec la perspective de réalisation d'un démonstrateur industriel Ulcos sur un haut-fourneau". Une phrase qui confirme que le P3, arrêté depuis juin 2011, est bien définitivement abandonné, et que le P6 ne sera pas relancé tout de suite puisque "le fonctionnement de toutes ces installations sera arrêté en toute sécurité à l'issue de la procédure légale", c'est-à-dire fin mars 2013. Le groupe s'engage simplement "à ne pas démonter ces installations dans les six ans".

LES SALARIÉS DE LA FILIALE GEPOR PRIS EN CHARGE

Sur le plan social, il est stipulé que les salariés des hauts-fourneaux, au nombre de 629, seront reclassés "sur des bases exclusivement volontaires", avec "un dispositif de gestion des fins de carrière et sur la mobilité interne au site". "ArcelorMittal continuera à proposer à des personnes volontaires les postes disponibles sur ses autres sites", est-il également indiqué.

Par ailleurs, le document stipule que les salariés de Gepor, une filiale d'ArcelorMittal qui emploie 130 personnes à Florange et pour lesquelles les syndicats se montraient très inquiets ces derniers jours, bénéficieront "des mesures de gestion de fin de carrière et de mobilité avec des conditions similaires à Florange".

"Si le contenu de cet accord s'avère exact, c'est enfin la démonstration que Mittal a enfumé le gouvernement, affirme Edouard Martin, délégué CFDT de Florange. Nous allons demander demain à Jean-Marc Ayrault si cet accord peut encore être modifié. Nous exigeons notamment que la chauffe des hauts-fourneaux soit maintenue jusqu'à la matérialisation du projet Ulcos". L'intersyndicale n'exclut pas de quitter Matignon avec fracas si l'accord n'est pas modifié.
Photos tirés du net


Le Point.fr

Florange : la suspicion gagne du terrain

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s'est-il couché devant Mittal ? Oui, estiment les syndicats en brandissant l'accord secret dévoilé mardi dans Le Monde et mercredi matin par Le Canard enchaîné.

Et pour cause. L'accord repose sur une concession de taille faite au groupe sidérurgique : "Il est constaté par les deux parties qu'il n'y a pas de repreneur déclaré pour le périmètre offert à la vente." C'est donc avant toute discussion se rendre au point de vue de Mittal qui n'acceptait de céder sur le site de Florange que les deux hauts-fourneaux (la filière chaude), quitte à ce qu'ils soient condamnés.

Pour obtenir que le gouvernement plie, le groupe sidérurgique a fait valoir que le maintien de la filière froide à Florange était une condition sine qua non pour qu'il se maintienne en France, à Dunkerque et à Fos-sur-Mer. Dans la partie qui s'est jouée, Mittal a mis les 20 000 emplois français dans la balance.

Mercredi matin, Le Républicain lorrain a beau jeu de rappeler qu'une offre sérieuse existait pour l'ensemble du site de Florange. Bernard Serin, un ex-cadre de Florange aujourd'hui à la tête du groupe CMI (3 400 salariés), était associé au géant russe Severstal (69 000 salariés) et s'engageait, selon le journal, à investir 500 millions d'euros sur le site mosellan.

Tromperie

Or, selon l'accord signé à Matignon, les investissements auxquels s'est engagé Mittal sont dérisoires : à peine 53 millions d'investissements "stratégiques", le reste des 180 millions auxquels s'engage le groupe étant de l'ordre du "flux d'investissements courants, les investissements de pérennité, santé, sécurité et progrès continu, et la maintenance exceptionnelle".

Le seul espoir pour Florange réside dans le projet européen Ulcos, auquel Mittal semble croire mollement : "L'état actuel des résultats de la recherche ne permet pas de passer directement sur le démonstrateur industriel de Florange." Seul engagement du groupe : "continuer à travailler sur le projet de recherche et de validation technologique en s'appuyant notamment sur l'expertise du centre Recherche & Développement de Maizières-lès-Metz." À cette fin, et quoi qu'il arrive, un seul haut-fourneau est nécessaire, ce qui condamne ipso facto l'autre.

Le 3 décembre, Guy Dollé, (qui n’a jamais été devin dans le domaine industriel – voir par exemple le choix du four électrique « expérimental » de Gandrange- NDLR), ancien P-DG d'Arcelor, expliquait aux Échos que la "solution Ulcos" était certes très importante pour la sidérurgie mondiale, mais qu'elle ne sauverait pas Florange. "Faire croire qu'Ulcos va sauver les hauts-fourneaux lorrains, c'est de la tromperie. Cela donne une année d'expérimentation environ sur un haut-fourneau, puisque, compte tenu des investissements, l'expérimentation ne se fera que sur l'un des hauts-fourneaux." En clair, même si Florange était choisi comme site expérimental, un seul haut-fourneau y gagnerait... un sursis d'un an.

Questions au Gouvernement

Ce mercredi 5 décembre