jeudi 28 août 2014

Interview de Laurent BERGER

À l’occasion de sa rentrée et quelques heures après la démission du gouvernement de Manuel Valls, le secrétaire général de la CFDT a reçu notre journal pour faire le tour des dossiers chauds.



Crise économique, politique...C'est la rentrée  de toutes les tempêtes. La ré-ponse d'un remaniement gouvernemental vous semble-t-elle à la hauteur? 
LAURENT BERGER. Cette crise politique, c'est d'abord l'absence de responsabilité des uns et des autres. Pour la CFDT, l'échéance n'est pas l'élection  présidentielle   de  2017! Notre cap et  notre  seul camp, ce sont les salariés et les chômeurs. Au moment  où il y a une grave crise économique,  sociale et citoyenne, on ne parle dans cette rentrée que de  remaniement, de  posture  des uns et des autres, de leur amertume. Mais il y a 5 millions de chômeurs,  des entreprises  en  grande difficulté, des salariés en souffrance. C'est de cela que les gens ont envie qu'on parle. Ils at-tendent  des solutions.

François Hollande maintient le cap économique. Est-ce le bon choix?
La CFDT a déjà dit que le rythme de la réduction des déficits publics devait être revu. Il est trop brutal et pèse sur le financement  des politiques de solidarité dont les gens ont fortement besoin.  Cela  pénalise aussi les services publics et aggrave la situa-tion  des fonctionnaires qui sont  au  bord  de l'explosion. Sans parler  de  l'investis-sement  public qui est aujourd'hui au point mort.

Ces querelles politiques passent au-dessus de la tête des gens

Vous êtes donc d'accord avec les critiques d'une partie de la gauche...
Je me fiche d'être d'accord, ou pas. Ce n'est  pas mon rôle. La vraie question à mes yeux est : comment arrêter d'être dans le commentaire pour être dans l'action et ré-pondre aux vraies questions. C'est cela l'enjeu de la politique. Ces querelles à gauche, comme à droite d'ailleurs, passent au-dessus de la tête des gens. Que pense un salarié qui a perdu son boulot ou un jeune sorti en juin de l'école qui se retrouve au chômage quand il voit s'écharper la classe politique?

Quelle doit être la priorité du nouveau gouvernement ? 
Accélérer tout  ce  qui  permet  de créer de l'emploi. D'abord, il faut aider les gens les plus en difficulté, multiplier les contrats aidés et toutes les possibilités de formation pour  les  chômeurs.  Il y  a 500 000 personnes de plus au chômage depuis deux ans, Du jamais vu. Il faut aussi mettre en place au plus vite la garantie jeunes déci-dée lors de la conférence sociale et prendre des mesures beaucoup plus fortes en  direction  des  moins  de 25 ans, notamment  par le biais de l'apprentissage. Il faut aussi agir sur les entreprises en péril comme Gad. L'État doit convaincre le repreneur pour éviter les licenciements.

Comme le faisait le ministre Montebourg?
Oui, il a fait le boulot. Mais ce n'est pas le sujet. Il faut répondre aux préoccupations des gens. Si on ne le fait pas, c'est notre démocratie qui est mise en danger.
Qu'attendez-vous du discours de Manuel Valls à l'université d'été du Medef, demain?
Qu'il fixe des limites au patronat. Ça ne peut pas être toujours plus! Le lü septembre, syndicats et patronat ont  rendez-vous  pour  un  bilan d'étape  des  négociations  lancées dans les branches sur les contreparties prévues en termes d'investissement et d'emplois dans le pacte de responsabilité. Le gouvernement doit fixer une date limite pour que ces  négociations   aboutissent.  Et dire haut et fort au patronat  qu'en cas d'échec il remettra en cause les allègements  de  charges  prévus en 2016 et 2017.

On attendait  une vraie réforme fiscale Il n'est pas trop tard

La CFDT est le seul syndicat  à soutenir le pacte de responsabilité. Vous persistez? 
Nous sommes  d'accord  avec les ai­ des aux entreprises prévues dans le pacte de responsabilité pour soutenir l'emploi, la formation  et l'investissement. C'est  l'intérêt   des salariés. Mais il faut que chacun  tienne ses engagements. La CFDT l'a fait! Au patronat  de tenir les siens.

Les mesures sur le pouvoir d'achat annoncées par François Hollande sont-elles suffisantes? 
La fusion  entre  le RSA et la prime pour l'emploi est une bonne chose. La CFDT ainsi que toutes  les associations  de lutte contre  la pauvreté le  réclament  depuis  longtemps. Mais cela ne suffit pas. On attendait une vraie réforme fiscale qui aurait permis  un impôt  plus juste et plus redistributif. Elle n'est  pas venue. C'est  une  erreur  de cette  majorité, mais il n'est pas trop tard.

Le chef de l'État a annoncé une remise en cause des seuils sociaux dans les entreprises...
Si le problème de la croissance était lié au fait d'avoir un délégué du personnel à partir de onze salariés, cela se  saurait !  Des  études montrent que  le  gain   à espérer   en  termes d'emplois est extrêmement faible. 

Êtes-vous favorable à une journée d'action à la rentrée?
La  mobilisation  de  cette   rentrée doit se faire dans les entreprises et les adminis-trations.
Propos recueillis par CATHERINE  GASTÉ