mercredi 26 novembre 2014

Négociation Annuelle Obligatoire 2015

Annulation de la 2ème réunion de négociation le jour même

La direction n’est pas PRÊTE !
De qui se moque-t-on ?
32 représentants du personnel déplacés pour RIEN. 

Pour la CFDT c’est un manque de respect total des organisations syndicales mais surtout des salariés d’AMAL et de Méditerranée.

Cela démontre bien que la NAO et la reconnaissance de la performance des salariés passe au second plan.

Espérons que ce report soit au moins bénéfique pour la suite des négociations

La suite au prochain épisode le 3 décembre 2014

S’ENGAGER POUR CHACUN AGIR POUR TOUS

lundi 24 novembre 2014

Rencontre du Président de la République avec les OS d'AMAL Florange le 24 novembre 2014

La cfdt vigilante et exigeante

Monsieur le Président,

La CFDT prend acte de l’intérêt que vous portez au dossier de Florange. Vous revenez aujourd‘hui sur le site rencontrer les Organisations Syndicales pour faire le point sur VOTRE accord conclu avec ArcelorMittal en novembre 2012. Cette rencontre, nous souhaitons la faire dans un esprit de dialogue direct et franc.

La délégation CFDT va vous dresser SON bilan des mesures actées dans l’accord gouvernemental et dans les accords sociaux signés par la CFDT de Florange et la CFDT de GEPOR. C’est aussi le moment de vous faire part de nos craintes et de nos attentes pour l’avenir du site mais aussi pour la sidérurgie lorraine.

photo © Reuters
Le sauvetage d’ASCOMETAL début 2014 par Franck SUPPLISSON et ASCO INDUSTRIE a préservé des outils et des emplois. Mais le problème de la dette et de la capitalisation de l’entreprise reste entier.

Le projet de vente exclusive de la branche «produits longs» de TATA STEEL au financier Klesch, dont on connait les méfaits en France, ne présage rien de bon pour l’usine d’Hayange, spécialisée dans les rails TGV. Fournisseur attitré de Réseau Ferré de France, ce choix pose la question de la préservation d’une industrie et d’un savoir-faire stratégique pour la France.

Les 207 salariés de LORRAINE TUBES, du groupe espagnol CONDESA, sont au chômage partiel depuis près de 2 ans, non pas faute de commandes mais par manque de trésorerie. Impuissant face aux mauvais choix des actionnaires qui ont creusé une dette abyssale, nous nous interrogeons sur ses répercussions dans le projet de reprise.

Ces 3 exemples illustrent à la fois la nécessité de préserver des outils industriels stratégiques pour notre pays mais réinterrogent encore et toujours sur le rééquilibrage de la gouvernance des entreprises. Ni nationalisation, ni abandon aux financiers, la CFDT propose que les salariés à travers leurs représentants puissent avoir leur mot à dire dans la conduite et les orientations de leur entreprise.

La CFDT ne pouvait pas ne pas évoquer ces cas d’entreprises qui font l’actualité du bassin et qui reflètent aussi les difficultés au quotidien à préserver l’emploi et à le pérenniser dans le secteur qu’est la sidérurgie.

Pour revenir à Florange et à l’accord du 30 novembre 2012, la CFDT a fait le choix d’être présente à la commission de suivi pour suivre et faire respecter les engagements pris. Nous pouvons témoigner de la qualité des échanges et de la transparence des informations qui nous sont données. Nous considérons notre rôle comme celui de « vigie » de ces engagements pour garantir la pérennité des installations de Florange. Si on reprend précisément les 6 engagements point par point, concernant :
  • Les Investissements: D’un montant minimum garanti de 180 M€ sur 5 ans, nous souhaitons les 240 M€ possibles, ce n’est pas superflu et ça serait un signe positif du Groupe vis-à-vis des emplois concernés. Ces investissements sont stratégiques pour pérenniser le site dans sa production d’acier « 3ème génération » pour l’Automobile. C’est LE domaine de compétences de Florange, nous devons le conforter. Ils pérennisent aussi les autres filières comme le Packaging.
  • Sur la Filière Packaging: Dès le début, ce projet de réorganisation imposé par le Groupe, qui touche à la fois les sites de Florange et de Basse-Indre n’a pas convaincu les élus CFDT. Cependant son échec n’est pas envisageable car il remettrait en cause de nombreux emplois sur les 2 sites. Si l’Automobile est un atout pour Florange, le Packaging aussi. La diversité de produits est indispensable pour ne pas être tributaire d’une seule filière. La CFDT continue de demander plus de visibilité et d’engagement de la part du groupe sur cette filière Packaging.
  • Sur la Filière Automobile: Le cluster Lorraine (Florange, Mouzon, Dudelange) est au centre du développement des nouveaux aciers pour l’Automobile en Europe. Des moyens humains et financiers importants sont nécessaires pour répondre rapidement aux défis et aux attentes des constructeurs automobiles. La proximité du centre de recherche de Maizières-Lès-Metz (600 chercheurs) doit assurer cette avance technologique. USIBOR est industrialisé, d’autres aciers sont à l’étude. La concurrence des autres matériaux (plastique, aluminium) est permanente. La Recherche et Développement est le meilleur atout de pérennité pour FLORANGE !
  • La R&D: La transition pour parler de ce sujet est toute trouvée. Et c’et un élément essentiel du dispositif industriel de la sidérurgie lorraine. Pour la CFDT, la création de METAFENSCH et son inauguration aujourd’hui préfigure d’un ensemble de moyens de recherche sidérurgique public et privé exceptionnel. Ce n’est pas un épiphénomène! Avec, le développement de la Vallée Européenne des Matériaux et de l’Energie dans le Pacte Lorraine, l’Institut Régional de Technologie, les universités lorraines et les centres de recherche privés (ArcelorMittal, CREAS- Ascométal, Saint-Gobain-PAM), nous disposons en Lorraine des atouts pour une réindustrialisation durable et responsable de notre région.
  • Le projet LIS: L’abandon du projet ULCOS a été pour la CFDT une erreur stratégique et un déni sociétal face aux enjeux de changement climatique. La réorientation de ce projet, aujourd’hui appelé projet LIS, est dotée d’un budget de 32M€ afin de développer une nouvelle technologie de réduction des émissions de CO2. En partenariat avec des industriels et des universités, d’ici 3 ans, les recherches doivent résoudre les problèmes d’injection de gaz et de tenue des réfractaires de hauts-fourneaux et proposer des solutions de valorisation du CO2. C’est l’avenir de toute la sidérurgie européenne qui est en jeu ; la CFDT suit ce dossier avec attention et n’acceptera pas une 2ème entourloupe!
  • La mise sous cocon: La réalité aujourd’hui est que ces installations sont fortement dégradées et que c’est un gâchis industriel et social pour un gain financier.
  • Sur le social: C’est le volet le plus abouti, résultat d’un accord signé par la CFDT. Aucun licenciement, des mesures d’âge et des mesures sociales pour accompagner les mobilités internes et externes. Chacun peut voir ce qui a été réalisé. Tous les salariés de Florange qui ont vu leur emploi supprimé doivent êtres reclassés. C’était votre engagement, c’est notre engagement dans l’accord social. La CFDT restera vigilante jusqu’au dernier reclassement.Cet accord social a largement inspiré l’accord social de GEPOR. Mais son application ne se fait pas de la même façon ; il reste encore 13 cas à régler dont 6 qui nécessitent un traitement particulier. La CFDT revendique que les cas liés à des problèmes de santé soient reclassées à H&E, notre filiale « sociale » dans les mêmes conditions que ceux en provenance de Florange. Pour les autres, le bassin d’emploi lorrain d’ArcelorMittal doit permettre de trouver des solutions qui satisfassent les salariés dans leur parcours professionnel. Il serait dommageable que l’image du Groupe soit de nouveau ternie par un engagement non respecté.
  • Reste la question du transfert des compétences et des embauches: 30 embauches en CDI viennent d’être annoncées mais il reste plus de 220 intérimaires sur le site de Florange. Monsieur le Président, si à chacune de vos visites, ArcelorMittal débloque des embauches en CDI, nous vous invitons non pas à revenir chaque année mais tous les mois !Pour être compétitif, il faut avoir des outils performants ; les investissements vont dans ce sens. Mais il faut aussi les compétences techniques pour faire des aciers de qualité. Et pour la CFDT, tout n’est pas mis en œuvre pour réussir ce challenge de transfert des compétences et pour adapter par des emplois pérennes l’effectif aux exigences de production.L’image du groupe et de notre métier est un élément primordial pour le renouvellement des départs, notamment par l’apprentissage. Sortir des plans sociaux et des licenciements incessants, valoriser les métiers de la filière industrielle est absolument nécessaire pour notre avenir.La CFDT est particulièrement attachée à un dialogue social de qualité. Vous en faites un marqueur de votre mandat. La CFDT veut résolument se tourner vers l’avenir mais pas dans n’importe quelles conditions.Aujourd’hui, nous ne sommes pas convaincus que le groupe s’engage dans cette voie et nous mettent nous organisation Syndicales au centre de ce projet. Votre visite s’inscrit en pleine période de négociation salariale et négociation d’un protocole préélectoral. La CFDT vous exprime ses inquiétudes sur les conséquences de ces 2 négociations.
  • Enfin, concernant la filiale GEPOR et son projet industriel: La CFDT a participé à la construction du projet industriel et l’a validé. Ce projet touche à la fois l’activité portuaire, la réparation des wagons ferroviaires et l’emballage. Le développement de la plateforme trimodale d’Europort est une opportunité mais pas avant 2016. La réparation des wagons ferroviaires prendra un essor d’ici 2015.En attendant la concrétisation de ces projets, la période transitoire manque de lisibilité et inquiète les salariés de GEPOR. La CFDT souhaite que la Direction vienne maintenant avec un planning concret de la certification de l’entretien des wagons et des investissements sur le port.
Monsieur le Président,
La CFDT vous a dressé son analyse de la situation de Florange. A nos yeux c’est un bilan encourageant pour le moment mais que nous espérons voir s’améliorer. Nous continuerons à être attentifs aux différents engagements pris et nous n’hésiterons pas à les rappeler.

La sidérurgie lorraine et ses salariés sont tournés vers leur avenir. Un avenir qui passe par une industrie compétitive, durable et socialement responsable. Un avenir dont l’Union Européenne détient les principales clés. Conjuguer le Plan Acier de l’ancien commissaire Tajani avec les exigences de la directive Climat-Energie doit remettre notre continent et notre région au cœur de la Sidérurgie mondiale.

Un avenir qui doit intégrer les «oubliés » de ce plan : les sous-traitants. Les premiers touchés, les plus vulnérables. Pour la CFDT, la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) est un élément fondateur de la relation « Donneurs d’ordre - Sous-traitants ».

Nous vous remercions pour votre attention.

jeudi 20 novembre 2014

Négociation Annuelle Obligatoire 2015

Inflation  sous-jacente et risque de déflation
Voilà en résumé les thèmes abordés et le contenu de l’exposé de la direction en vue de nous persuader que la situation est catastrophique !

En effet, les DRH de Méditerranée et AMAL n’ont cessé, dans une mise en scène bien rodée, de minimiser les résultats de nos sociétés et d’interpréter à leur manière la conjoncture française et européenne.

Mais nous ne sommes pas dupes !

La réalité est toute autre que celle annoncée par nos DRH car les résultats économiques de la société n’ont jamais été aussi bons depuis 2011.

En effet, le Conseil d’Administration d’AMAL a prévu un Résultat  d’Exploitation positif de
78 millions d’euros pour l’année 2014 en progression de 174 millions d’euros. Pour ArcelorMittal Méditerranée, il est prévu 56 millions de Résultat  d’Exploitation.

Ces bons résultats sont le fruit de l’effort collectif  de tous les salariés  de nos sociétés !

La CFDT condamne notre direction qui fait de la crise un alibi pour imposer la rigueur au plus grand nombre en préservant les privilèges des plus nantis !

Au terme de cette première réunion,  la direction n’a fait aucune proposition ! Cela donne le ton de la suite de la négociation !

Rendez-vous le 26 novembre 2014 pour la prochaine réunion en espérant que la direction ait entendu le message de la CFDT. 

S’ENGAGER POUR CHACUN AGIR POUR TOUS

mercredi 19 novembre 2014

30 Contrats à Durée Indéterminée

Enfin ! Changement de modèle,
bouffée d’air et consolidation du futur, 
la CFDT Florange y croit !
La réunion du Comité d’Etablissement du mardi 18 novembre 2014 est à marquer d’une pierre blanche. Enfin après plusieurs années de vaches maigres, enfin, Mme Anita Bonnard nous a annoncé l’embauche de 30 CDI.

Plus que le volume qui certes est insuffisant, la CFDT  y voit la sortie d’une période de pénurie, d’incertitude, de morosité et de crainte dans l’avenir. Cette annonce complète et conforte les investissements déjà engagés, le projet packaging en constante amélioration et le développement des aciers haute résistance à Florange.

Le signe que tous les salariés de Florange attendaient pour enfin se tourner vers l’avenir.

Depuis le 18 juin 2013, date de la signature de « l’accord portant diverses mesures sociales en faveur des salariés d’ArcelorMittal Atlantique et Lorraine établissement de Florange en vue d’accompagner la mise sous cocon de la phase liquide de l’établissement », beaucoup de chemin a été parcouru. Au 31 décembre 2014, tous les salariés de Florange auront une affectation.

Une seule ombre au tableau, dans le préambule de l’accord, la CFDT avait exigé que soit stipulé : « la  mise  en  œuvre  efficace  des  mesures  permettra  d’accélérer  l’atteinte  de l’équilibre besoins – ressources et de déclencher la reprise d’embauche sur le site de Florange… ».

Malgré cette précaution les embauches tardaient à venir. Certains décideurs difficiles à identifier dans la nébuleuse hiérarchique d’ArcelorMittal mettaient leur véto sur ce sujet.

Cette  situation nous  taraudait  car nous avons  toujours  cru en les  capacités des  salariés  de Florange pour rebondir mais sans bras nouveaux, sans compétence nouvelles, le pari devenait dur voire impossible.

Le SEUL et UNIQUE point noir de l’accord social vient d’être levé !

Mercredi 5 novembre 2014, la direction invitait les organisations syndicales à une rencontre avec le responsable de la Business Division Nord M. Vim Van Gerden accompagné de Mme Bonnard, M. Chauvet DRH France et M. Genu DRH AMAL.

M. Van Gerden nous a dépeint une situation économique Européenne différente en termes de relance entre les différents pays. Globalement, le niveau de la demande demeure inférieur à celui des années 2007 – 2008.

Cependant, suite à la mise en place du nouveau schéma industriel dans ArcelorMittal, toutes nos installations tournent à plein régime. Mais, comme le discours patronal veille à ce qu’une bonne nouvelle en cache toujours une mauvaise, compte tenu du niveau des prix de vente les résultats financiers ne sont toujours pas à la hauteur. Malgré tout, il nous annonce que le volume des investissements engagés demeurera supérieur à celui des résultats engrangés.

Plus particulièrement pour AMAL et le site de Florange, il énumère trois challenges qui selon lui sont très importants :
  1. Ramener le taux de productivité à 1200 tonnes par salarié. Selon lui, plusieurs usines d’Europe ont atteint cet objectif et dans AMAL il reste du chemin à parcourir.
  2. Retrouver un niveau de qualité produit d’avant crise. Il considère qu’à Florange nous souffrons beaucoup d’un niveau de qualité en-deçà des objectifs.
  3. Préserver notre qualité de service. C’est pour lui une condition de base à la réussite.

Le salarié au cœur du processus ! Voilà ce que nous lui avons répondu !

Dans  notre  intervention,  nous  avons  volontairement  exclu  de  parler  de  volume  de production, de charge des outils, de flux métaux, d’investissement, pour nous centrer essentiellement  sur  le  salarié.  Le  seul  capital  mentionné  dans  notre  message  fut  le  capital humain.

Nous lui avons demandé de remplacer l’Ebitda, aujourd’hui au cœur du système, par le salarié. Arrêtez de nous "saouler" avec des indicateurs de coûts, de résultats, d’objectifs financiers, alors que ce que nous attendons, c’est de retrouver des effectifs, de la sérénité et du sens au travail.

Nous savons que pour atteindre les objectifs fixés, la contre partie salariale à elle seule ne suffit pas. Pour atteindre l’excellence, il faut du talent certes, mais aussi de la formation, de la motivation, il faut trouver de l’intérêt à effectuer les tâches, de la passion. C’est justement ce que vous avez détruit durant ces dernières années.
  • 2009,  nous  avons  refusé  de  signer  le  Plan  de  Départs  volontaires  qui  a  propulsé  la compétence collective de l’établissement à ses plus bas niveaux.
  • 2010, vous avez organisé le saccage de notre outil industriel.
  • 2013, l’accompagnement social des mesures industrielles tout en étant indispensable pour les salariés à continuer de creuser la perte des compétences.
  • 2014, la cerise sur le gâteau, une vague McKinsey poursuit le carnage dans AMAL. Sans suppression d’effectifs nous dit-on !

Quand cela va-t-il s’arrêter ?   Même si à la  CFDT, nous sommes conscients que les organisations du travail doivent évoluer, cela n’a rien à voir avec le « bougisme » dont vous semblez être affecté. Changer pour changer, tout se passe comme si, sans discernement, le changement n’aurait de sens que pour le changement !

Nous avons conclu en exigeant les embauches cruciales pour notre avenir, aujourd’hui c’est le seul et unique message à envoyer qui serait audible par les salariés.

Donnez-nous les moyens de retrouver notre niveau de compétence collective, de motivation et de sérénité au travail et nous relèverons comme d’habitude les challenges. 

Pour la CFDT, 30 CDI, voilà un bon début de réponse !

vendredi 7 novembre 2014

50 ans de la cfdt

Discours de Laurent BERGER

Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les ministres,
Messieurs les Premiers ministres,
Monsieur le Président du conseil économique, social et environnemental,
Mesdames et Messieurs les ministres du travail,

Merci d’avoir accepté notre invitation et d’avoir été présents aujourd’hui pour célébrer les 50 ans de la CFDT.
Merci à tous nos invités d’avoir également participé à ce moment important pour notre organisation.

Permettez-moi de commencer par m’adresser aux militants de la CFDT qui sont dans cette salle, anciens et actuels responsables. Et à travers eux, aux centaines de milliers de femmes et d’hommes qui partout en France, ont fait et font la CFDT aujourd’hui.  A chacune de mes rencontres avec eux, je mesure la force de leurs convictions et de leur engagement au service des salariés.

Alors, à toutes et tous, bon anniversaire !

Photo AFP
Je tiens à ce moment à rendre hommage à Eugène Descamps, le Secrétaire général qui a conduit l’évolution de la CFTC en CFDT en 1964. J’ai également une pensée pour tous nos amis responsables et militants qui nous ont quittés, certains très récemment. Je suis sûr que chacun d’entre vous les a en tête et dans son cœur. 

Je tiens aussi à saluer mes prédécesseurs présents dans cette salle :

Edmond Maire qui, dans son introduction à cet évènement, nous a rappelé avec amitié et pertinence les fondamentaux de notre engagement. 

Jean Kaspar qui a souligné la capacité d’évolution et de transformation de l’organisation et a rappelé son respect de la CFDT d’aujourd’hui.

Nicole Notat qui est à l’origine de mon engagement comme délégué du personnel en 1995 et dont le courage pour faire évoluer le syndicalisme aura marqué notre histoire.

François Chérèque qui a tracé le sillon d’un syndicalisme de proximité capable changer le réel. 

Sachez tous les quatre que je suis fier de porter le flambeau de notre histoire commune.

Je tiens également à remercier tous les intervenants et les animateurs de cette journée, qui nous ont aidé à porter un regard plus aiguisé sur nous-même. 

Merci à nos invités internationaux et européens ; je salue Bernadette Ségol, Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats. 
Merci à nos invités des Outre -Mer. Vos organisations font aussi partie de notre histoire. 
Merci à vous, acteurs syndicaux et je salue amicalement la présence de Philippe Louis, président de la CFTC et Luc Bérille, secrétaire général de l’Unsa, 

Merci à vous, acteurs patronaux, politiques, associatifs, observateurs du monde économique et social. Vous, qui représentez les corps constitués de la République, avec lesquels nous débattons et agissons tous les jours, quelles que soient nos divergences de vue.

Enfin, merci à vous, monsieur le premier ministre. Votre présence et votre intervention témoignent du rôle du syndicalisme dans notre démocratie et de la place de la CFDT dans le paysage économique et social.  

Nous avons voulu, par ce moment privilégié, prendre le temps de fêter notre anniversaire. 

Prendre le temps …  
Dans la période que nous vivons, où tout va très vite, trop vite ; 
Où la dictature de l’instant s’impose face au long terme ;
Où le jeu des postures prend le dessus sur l’action et l’engagement ; 
Où distiller des petites phrases est plus valorisé que d’apporter des idées ; 
Où à peine un accord est-il signé, une réforme engagée, qu’il faudrait déjà rouvrir une négociation …
… Prendre le temps, c’est presque un acte militant.  
Oui ! Nous avons besoin de nous poser, de faire un « arrêt sur image », pour mieux se nourrir des enseignements du passé et se projeter dans l’avenir. 

Comme le dit Jacques Delors, qui est parmi nous aujourd’hui et que je salue chaleureusement – merci Jacques d’être le compagnon de route fidèle de la CFDT, depuis toutes ces années–, comme tu le dis Jacques, « Une société sans mémoire est une société sans avenir». 

Célébrer nos 50 ans est donc l’occasion de prendre la mesure des progrès accomplis grâce aux combats que nous avons menés. 
Derrière ces combats pour améliorer le quotidien des travailleurs et pour faire progresser l’émancipation et la démocratie, il y a des femmes et des hommes. Ils ont fait de la CFDT la belle et grande organisation qu’elle est aujourd’hui. Nous pouvons leur rendre hommage. 
Un hommage que les organisations de la CFDT ont rendu à tous les niveaux, dans les secteurs professionnels et les territoires, à travers de nombreuses initiatives que je salue.

Cet anniversaire est aussi l’opportunité de faire l’analyse sans concession de la situation actuelle et de dessiner ensemble notre avenir commun. 

Quelle société voulons-nous dans 10...30 ou 50 ans ? Quelle y sera la place du syndicalisme ? Quel rôle pour la CFDT ? 

Pour répondre à ces questions, la CFDT peut prendre appui sur des bases solides : celles de sa cohésion interne et de ses valeurs. Nos conquêtes d’aujourd’hui sont à la mesure des risques et des engagements que nous avons pris hier. 
Car non, il n’y a pas de progrès sans prise de risque ! Pas de progrès sans engagement ! Pas de progrès sans responsabilité ! 
Tout au long de notre histoire, notre responsabilité, nous l’avons assumée. Et des progrès, nous en avons obtenus !
Nous sommes fiers de cette histoire comme nous sommes fiers de nos ambitions. 
Fiers de vous, les responsables et militants de la CFDT, qui, au nom de la liberté, vous êtes engagés au-delà des frontières. 

Engagés dès les années 50, au moment de la décolonisation, pour défendre le droit des peuples à décider eux-mêmes de leur destin.
Engagés, aux côtés des syndicats brésiliens, grecs, espagnols, polonais, pour soutenir les luttes contre toutes les dictatures.
Je voudrais d’ailleurs vous faire part du témoignage de Piotr Duda, l’actuel dirigeant du syndicat « Solidarność ». Dans une lettre chaleureuse qu’il nous adresse à l’occasion de nos 50 ans, il évoque le soutien matériel, moral, et politique que la CFDT a apporté à son organisation pendant la dictature communiste. Il finit par ces mots : « la CFDT a toujours été un point de référence pour nous, organisation représentant un système de valeur et une ligne politique qui nous est très proche, une organisation sur laquelle on peut compter dans tous les aspects.».

Le président Lula nous a également fait parvenir un message d’amitié pour notre anniversaire, en appelant les militants de la CFDT à, je le cite, « se remémorer les moments inoubliables vécus grâce aux efforts d’unité, de solidarité entre nos organisations et de participation développés par la CFDT pour faire face à la crise économique internationale ». 

Ce soutien aux organisations qui luttent pour leurs libertés, nous sommes fiers de le poursuivre aujourd’hui, auprès de l’UGTT tunisienne ou de l’ONG China Labour Bulletin.

Fiers aussi d’avoir participé à ce vaste projet qu’est l’Europe. Et à l’heure où ce projet est menacé, c’est avec la même conviction que nous poursuivons ce combat pour une Europe sociale, pour une Europe citoyenne, pour une Europe de la paix. C’est le sens de l’engagement sans faille de la CFDT dans la confédération européenne des syndicats, hier et aujourd’hui.

Fiers de vous, de nous tous, syndicalistes CFDT, qui nous sommes battus et nous battons chaque jour, contre toutes les discriminations quelles qu’elles soient et pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce combat pour l’égalité, nous devons également le mener au sein de la CFDT ; et je suis heureux de faire partie d’une commission exécutive composée de cinq femmes et de cinq hommes : une première dans l’histoire de la CFDT.  

Au nom de l’émancipation et de la démocratie, nous avons fait entrer le syndicalisme dans l’entreprise, avec la création des sections syndicales en 1968, et avec les lois Auroux en 1982. En 2008, nous avons donné aux salariés le pouvoir de choisir leurs représentants, grâce à la position commune sur la représentativité. Cette place du syndicalisme reste à gagner chaque jour, dans le privé, comme dans les fonctions publiques.

Au nom de la solidarité et de la justice, nous avons assumé, parfois seuls, la construction de nouvelles solidarités : réforme des retraites, de la santé, du marché du travail, de l’assurance chômage, des 35 heures : là encore, chaque fois, nous avons pris nos responsabilités pour contrer la montée des inégalités et construire du progrès social.

Au nom de notre autonomie à l’égard de toute idéologie, de tout parti politique et de toute religion, nous avons combattu les idées, les réformes que nous jugions inacceptables. Avec la même force, nous avons soutenu celles que trouvions justes et nécessaires, quelle qu’ait été la couleur politique de leur promoteur. 
Mais les plus grandes conquêtes de la CFDT sont celles du quotidien. Ce sont celles des militants, dans les entreprises et les administrations, lorsqu’ils améliorent la vie au travail, lorsqu’ils créent ou sauvent des emplois, ou quand ils donnent aux salariés des clés pour construire leur avenir professionnel.

Ces petites victoires font peu de bruit dans la cacophonie ambiante, mais elles comptent dans la vie de chacun.
Qui parle des militants CFDT de l’entreprise Euralys qui ont obtenu par la négociation l’embauche en CDI de 70 personnes, jusque-là en contrat précaire ? 
Qui fait écho au courage des militants CFDT de Renault qui ont permis de sauver des emplois  en s’engageant dans l’accord compétitivité ? 
Qui s’intéresse à l’action des militants CFDT de la préfecture de Bobigny pour améliorer les conditions de travail des agents au guichet ? 
Des réussites comme celles-ci, nous en avons des centaines.

Oui, l’histoire et le présent parlent pour nous : en 50 ans, la CFDT a été utile ! Nous avons contribué à transformer le quotidien, à  «changer la vie » des salariés. Cette action, la CFDT l’a menée en toute autonomie contre vents et marées, avec ses différents interlocuteurs politiques, patronaux ou syndicaux. 
Pas toujours sans revers ni sans heurts, ni parfois sans remous internes, quand il a fallu trancher sur les sujets difficiles. Mais, fidèle à ses racines, la CFDT n’a cessé de porter son projet de transformation sociale, en s’efforçant d’être à la hauteur des enjeux et des rendez-vous de l’histoire.
Alors oui ! Soyons fiers de cette œuvre collective, bâtie sur nos valeurs. Des valeurs réaffirmées avec force à notre dernier Congrès par des militants qui portent haut les couleurs de la CFDT.
Fiers mais pas naïfs. Nous sommes lucides sur les difficultés que rencontre la démocratie sociale. Nous sommes conscients des critiques adressées au syndicalisme : sur sa capacité à être utile, à être acteur du changement. 
Et c’est vrai, face aux problèmes vécus par les salariés, face à l’ampleur des changements de la société, face au risque de délitement de notre démocratie, le syndicalisme ne peut se dérober !

En 50 ans, le monde s’est radicalement transformé, tout ou presque a changé autour de nous.
En 2014, on vit plus longtemps et en meilleure santé qu’en 1964 ; dans la société, les femmes ont pris une place sans précédent, bien que toujours à consolider ; et le numérique a révolutionné l’accès à l’information. 
Dans le même temps, la brutalité de la mondialisation et la financiarisation de l’économie ont changé la donne. Notre mode de développement né des 30 glorieuses a atteint ses limites : parce qu’il met la planète en danger ; parce qu’il laisse plus de 5 millions de personnes sans emploi ; parce que des salariés, du public comme du privé, ne peuvent plus vivre dignement de leur travail et que beaucoup ne s’y sentent pas reconnus.  
Le tableau est sombre, la situation actuelle est critique mais elle n’est pas sans issue. La résignation n’a jamais été une option pour la CFDT !

Entre les appels à faire table rase des uns et la tentation de l’immobilisme des autres, il y a une voie, certes étroite. Une ligne de crête que peu veulent prendre le risque d’emprunter. 
Mais avons-nous d’autre choix ? La réponse est non ! Agir est un impératif.

Pour sortir de la crise ou plutôt pour faire face aux mutations profondes qui sont en cours, quelques ajustements ne suffiront pas : nous devons poser ensemble les jalons d’un nouveau mode de développement, plus soutenable, au service du progrès social. Nous devons construire une société plus juste, une société qui a confiance en elle, une société apaisée. 

Pour y parvenir, deux leviers sont à notre portée :

Le premier consiste à faire résolument le choix d’une économie de la qualité, en engageant vraiment la transition écologique et la transformation de notre modèle productif. Cette conversion de l’économie ne se fera pas sans des emplois de qualité, sans le développement des compétences des salariés, sans le respect des sous-traitants. Elle exige une responsabilité sociale des entreprises plus affirmée, davantage d’investissement et de régulation. C’est ce que j’ai dit hier au patronat, lors de la mise en place du comité de suivi des aides publiques et des engagements.

Changer le travail est le deuxième levier. Car pour reprendre les mots du sociologue Robert Castel, « c’est toujours sur le travail, que l’on en ait ou que l’on en manque, qu’il soit précaire ou assuré, que continue à se jouer le destin de la grande majorité de nos contemporains ». Il est urgent de redonner au travail toute sa place en confortant son rôle de création de richesse et d’émancipation. Pour cela, il faut inventer les nouvelles protections, les nouvelles libertés dont les salariés ont besoin dans leur parcours professionnel,  les organisations du travail et les types de management qui respectent et valorisent les travailleurs. 

Mais pour construire ce projet collectif, cet avenir meilleur, il n’y a pas de solutions miracles. C’est ensemble que nous devons redéfinir les priorités qui fondent un projet pour la société. 
Ces priorités, elles n’émergeront pas de courbes, de chiffres, ou de déclarations intempestives : elles doivent s'inscrire au plus près de ce que ce que vivent les gens, elles doivent lever les obstacles qui les empêchent de choisir leur vie.
C’est grâce au dialogue que ces priorités peuvent émerger. Trop de crispations, trop de non-dits, divisent notre société et font le jeu des extrêmes.

Pour sortir de l’impasse où chacun miserait sur son destin individuel en se détournant de notre avenir collectif, il faut recréer des espaces de débat. Des espaces qui permettent de poser toutes les options sur la table et de choisir ensemble des solutions ambitieuses.
Le dialogue social est l’un de ces espaces où se construisent les choix collectifs. Il faut le renforcer ! 

Oui, pour réussir les défis immenses qui sont devant nous, devant toute la société, nous avons besoin de plus de dialogue social, plus de syndicalisme ! Et mieux de syndicalisme !
D’un syndicalisme utile, ancré dans le 21ème siècle, qui ne passe pas son temps à combattre un monde qui n’existe déjà plus.
Un syndicalisme qui comprend les enjeux de son temps, et sait faire face à la réalité telle qu’elle est, pour mieux la transformer. 
Un syndicalisme qui sait écouter les salariés et construire avec eux les réponses les plus justes et les plus adaptées.
Un syndicalisme qui contribue, avec d’autres, à lutter contre les inégalités et à défendre l’intérêt général.
Un syndicalisme qui mène le rapport de force dans toutes ses dimensions : critique sociale, propositions, mobilisation, négociation, engagement.

Pour être à la hauteur de cette ambition, la CFDT s’est mise en ordre de marche. 
En faisant du vote des salariés dans les entreprises, et évidemment du vote des agents dans les fonctions publiques, le 4 décembre, les piliers de sa légitimité ;
En faisant de ses adhérents que nous voulons toujours plus nombreux, le 1er élément de son rapport de force ;
En faisant de la proximité avec les salariés le fil rouge de sa pratique ;
En formant et en accompagnant ses militants, pour qu’ils puissent mieux appréhender la complexité du monde et être acteur de cette ambition ; 
Et enfin, en engageant un travail de fond pour mobiliser de nouveaux militants et s’ouvrir davantage aux jeunes. 

Notre choix de consacrer le 1er mai 2015 à un rassemblement festif et militant de 5000 jeunes à Paris, est à l’image de la place que nous voulons les voir prendre au sein de la CFDT.

Le syndicalisme peut et doit prendre sa part pour relever les défis de demain. Mais il ne peut pas le faire seul. La démocratie sociale ne peut porter ses fruits que si tous les acteurs jouent le jeu. 

Alors, je tiens à le dire :
Non, la présence syndicale n’est pas une menace pour les entreprises et les administrations ! Oui, le dialogue social est facteur de performance sociale et économique !
Non, la démocratie politique n’a pas toutes les réponses ! Et oui, la démocratie sociale contribue et doit contribuer à l’intérêt général !

Quelles sont les forces prêtes à faire vivre cette ambition?
Cette question, qui est au cœur de la négociation sur le dialogue social, elle s’adresse d’abord au monde patronal : faites-vous le choix du dialogue social ? Allez-vous enfin respecter vos engagements et assumer vos responsabilités ? Entre les attaques contre les conventions internationales de l’OIT, et le lobbying intense contre la réparation de la pénibilité, mesure de justice sociale s’il en est, le doute est légitimement permis. 
Pourtant, beaucoup de chefs d’entreprise s’engagent dans le dialogue social au quotidien car ils ont compris qu’il est un levier de compétitivité.
Qu’ils le disent publiquement et qu’ils le disent plus fort ! Sinon ce sont les caricatures et les partisans des confrontations stériles qui gagneront.

Cette question, elle s’adresse aussi au gouvernement et plus largement au monde politique. Et notamment à la puissance publique dans sa qualité d’employeur. Sur ce point il y a beaucoup de progrès à faire. La situation des agents dans les fonctions publiques est préoccupante et parfois intenable. Il faut les écouter et accorder une véritable place au dialogue social.

Ce choix du dialogue social pour mieux réformer le pays est le choix de l’efficacité et de la justice sociale. Faut-il y renoncer sous prétexte qu’il y a urgence à agir ? 

Les organisations syndicales et patronales ont montré qu’elles étaient capables de construire des réponses rapides lorsque l’enjeu l’exigeait… Le temps de la loi et des décrets est parfois plus long. 
Surtout, le temps du dialogue social, c’est le temps qu’exige la démocratie pour construire des compromis justes et équilibrés.

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Seul on va parfois plus vite, mais ensemble on va toujours plus loin !
Cette question de la place du dialogue social, elle s’adresse à tous, y compris à nous, organisations syndicales. La CFDT, vous l’avez compris est prête à prendre part au changement, forte de son histoire.

Nous sommes les héritiers de cette histoire, faite de femmes et d’hommes de valeurs et d’action. 
Ce passé a leur visage ! Ce passé a leur force !
Il nous inspire chaque jour pour porter plus loin notre projet d’émancipation, de transformation sociale et de progrès. 

Aujourd’hui, ce sont les adhérents et les militants de la CFDT qui font vivre ce projet. Des femmes et des hommes de toutes les professions, de toutes les régions, de toutes les origines et de tous les âges qui s’engagent au quotidien, au plus près des salariés. 
Leur énergie et leur détermination font aujourd’hui et feront encore demain de la CFDT, le syndicat dont les salariés ont besoin.

Alors, encore une fois, bon anniversaire à eux, à vous, à nous tous !

les 50 ans de la cfdt

Discours d'Edmond Maire

De gauche à droite, Francois Chereque, Nicole Notat, Laurent Berger,Edmond Maire et Jean Kaspar. 

Photo AFP

Aujourd’hui nous vivons un moment privilégié, une étape mémorable : les 50 ans de la CFDT. Notre secrétaire général, Laurent Berger, a souhaité que je mette en valeur le sens général de notre parcours.

Je vais donc évoquer  l’histoire de la CFDT depuis ses origines,  rappeler des actions particulièrement significatives  de ces cinquante dernières années et enfin souligner plusieurs de ses ambitions, anticipatrices de son action future. 

Mais d’abord si nous sommes heureux de nous retrouver ensemble, c’est parce qu’une même ambition nous habite. 

Nous voulons que notre syndicalisme soit un moteur de l’émancipation de chaque travailleur, de chaque citoyen. Nous voulons bâtir progressivement dans l’entreprise et la cité une société démocratique de liberté et de responsabilité, « la société d’hommes fiers et libres » dont parlait Fernand Pelloutier aux militants rassemblés dans les Bourses du Travail, à la fin du dix-neuvième siècle.

Je souhaite vous faire partager la fierté qui était la nôtre en 1964 d’avoir réussi à nous rassembler autour des valeurs fondamentales du mouvement ouvrier.

Car nos racines, nous les trouvons dès la révolte des canuts de 1831 lorsque, malgré l’interdiction de toute organisation ouvrière, décrétée en 1791, et face à une répression meurtrière, ils proclamaient: « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant ». La révolte des canuts deviendra emblématique du mouvement ouvrier naissant. Nous l’évoquions avec émotion lors de notre congrès confédéral de 1957, mon premier congrès.

Au milieu du 19ème siècle, les conditions de travail et de vie étaient souvent révoltantes, comme en témoigne le fameux rapport  du docteur Villermé en 1840 sur l’état physique et moral des ouvriers des manufactures de Mulhouse. 

Dans les grandes concentrations industrielles de notre pays, de rudes  affrontements opposaient souvent les militants ouvriers à des employeurs soutenus par les forces de l’ordre. Le souvenir en est encore vivant dans  nos régions et fédérations.

Ainsi au printemps dernier, des militants CFDT porteurs de l’histoire ouvrière de la région stéphanoise ont produit un film émouvant « CFDT, histoire d’une naissance », qui fait revivre les combats souvent dramatiques de leurs aînés, il y a presque deux siècles.

Nos racines, nous les trouvons aussi dans la conquête par le mouvement ouvrier de la liberté d’expression, par exemple lorsque des ouvriers qualifiés se sont exprimés pendant dix ans, de 1840 à 1850, dans le journal « L’Atelier » fondé par Philippe BUCHEZ, un socialiste chrétien qui voulait réconcilier catholicisme et révolution.

Plus généralement, nous trouvons nos racines dans les combats des militants de ce même siècle pour conquérir quatre de nos grandes libertés collectives citoyennes: les mutuelles, qui définissent en 1898 la Charte de la Mutualité; les coopératives de production, coordonnées en 1884; les associations, légalisées en 1901;  les syndicats, dont le droit à l’existence est enfin reconnu par la loi en 1884. 

Ainsi les militants de cette époque ont réussi à faire prévaloir leurs objectifs communs, au-delà de leurs liens personnels avec un parti, une  philosophie ou une religion. Les valeurs communes qui les unissaient, indépendance et laïcité, ce sont nos valeurs. 

Cependant au début du vingtième siècle, des différenciations se creusent, par exemple entre philosophie marxiste et catholicisme social. 

Et le combat républicain pour la  laïcité de l’Etat divise la société lorsque la loi Jules FERRY de 1881 rend l’enseignement public obligatoire dans les écoles publiques ou, en 1905, lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

De fait, l’expression des partis républicains mais aussi de la CGT porte souvent une connotation antireligieuse. Des militants catholiques du SILLON de Marc SANGNIER, d’esprit républicain, rejoignent cependant la CGT. Mais le premier syndicat chrétien des employés de commerce et de l’industrie apparaît en 1887. D’autres syndicats chrétiens se créent. Et la CFTC voit le jour en 1919.

A la CGT, sous l’effet de la révolution russe de 1917, l’influence communiste progresse et provoque une scission. Peu à peu, pour les militants attachés à l’indépendance du syndicalisme, la CFTC commence à apparaître comme une alternative.

C’est ainsi que des militants de la JOC y adhèrent lors des grèves de 1936. Et le Syndicat Général de l’Education Nationale, créé en 1937 par Paul Vignaux, refuse de rejoindre la CGT. Le SGEN, bien que statutairement  laïc et opposé à  toute référence aux encycliques, arrive à obtenir son adhésion à la CFTC.

Après la guerre 39/45, face à une CGT dominée par le Parti communiste, la minorité de la CFTC affirme son identité  laïque et son adhésion aux valeurs du mouvement ouvrier. Son audience s’accroît. Comme André Jeanson, alors président, ou Gérard Espéret, responsable international, de nombreux militants de l’ancienne majorité sont convaincus de la nécessité de l’évolution de leur Confédération. 

Eugène Descamps, secrétaire général,  appelle à bâtir «  la grande centrale démocratique de notre temps ». Et c’est le saut qualitatif de 1964. La nouvelle majorité apparaît. La CFTC devient CFDT et se réfère aux valeurs du syndicalisme authentique. Avec un grand retentissement national et international.

La CFDT n’est donc pas assimilable à un courant du syndicalisme français. Elle ne résulte pas du succès d’une fraction sur une autre. Sa matrice, au-delà des évolutions juridiques, c’est le mouvement ouvrier. C’est le legs que nous ont transmis les militants de ma génération. Je pense particulièrement à Albert Détraz du bâtiment, Jean Lannes le métallo,  Marcel Gonin le stéphanois,  Jean-Marie Kieken, le chimiste. 

Notre fierté collective est d’avoir traduit dans le préambule et l’article premier de nos statuts les fondements d’un syndicalisme totalement indépendant dans sa pensée  et dans son action du patronat, de l’Etat, des partis et des églises. Un syndicalisme ouvert à tous.

Aujourd’hui, les syndicats CFDT ont pris le relais des femmes et des hommes qui, depuis le début de l’ère industrielle, ont fait progresser de façon extraordinaire les conditions de travail et les droits individuels et collectifs des travailleurs. 

Les militants d’aujourd’hui sont les héritiers de la grande tradition du syndicalisme français, de Fernand Pelloutier, de Paul Vignaux, d’Eugène Descamps. Et de  Jeannette Laot dont la force de conviction a ouvert des brèches dans les digues de la domination masculine et jeté les bases de la mixité des responsables syndicaux. Merci Jeannette.

Les actions les plus significatives menées par la CFDT depuis cinquante ans traduisent nos valeurs fondatrices et donnent confiance dans notre avenir syndical collectif. 

Je tiens à saluer d’abord  les militants CFDT  des années 60 pour leur engagement courageux en faveur de l’indépendance de l’Algérie, en dépit des réactions de l’opinion publique française. 

Cet engagement est emblématique de la grande tradition de solidarité internationale de la CFDT à l’égard des syndicats en lutte pour libérer leur pays de la domination coloniale ou de l’oppression des dictatures, que ce soit  en Afrique, en Europe ou en Amérique du sud. 

Et, souvenir inoubliable par son intensité et sa durée, la CFDT s’est mobilisée de façon extraordinaire dans le soutien à Solidarnosc affronté au totalitarisme soviétique.

En Europe, nous sommes engagés solidairement depuis quarante ans dans la Confédération Européenne des Syndicats pour promouvoir le progrès social dans la mondialisation et surmonter l’hégémonie des marchés financiers. 

En France, nous avons placé mai 68 sous le signe de l’autogestion, une aspiration irrépressible à l’émancipation individuelle et collective. 

Dans la foulée nous avons impulsé des réformes durables. De la négociation de Grenelle en 1968 aux lois pour des droits nouveaux en 1982, le bilan est impressionnant : reconnaissance de la section syndicale d’entreprise, négociation annuelle obligatoire, extension des droits des travailleurs et des comités d’entreprise, création des CHSCT. 

Dans les années 80, la CFDT s’est mobilisée pour la défense de l’école laïque. Elle a fait progresser sa conception de l’entreprise, de ses deux logiques co-existantes et de sa responsabilité sociale. Elle a montré une capacité d’innovation et d’impulsion de progrès durables à travers les négociations et les lois.

Et la trajectoire se poursuit. Pour la seule année 2013 : premiers résultats électoraux issus de la réforme de la représentativité syndicale, faisant apparaître une  forte progression de la CFDT; accord national interprofessionnel instaurant une Base de Données Unique au service de l’action syndicale et des droits rechargeables pour les chômeurs reprenant une activité.    

Vous, les syndicalistes CFDT des années 2000, vous ne vivez pas dans la nostalgie des combats d’autrefois mais, forts des valeurs qu’exprime notre histoire, vous avez la volonté de faire face aux enjeux d’aujourd’hui. C’était le sens  de votre congrès de juin, à Marseille. 

Vous avez l’ambition de faire progresser les droits individuels et collectifs des travailleurs à travers les bouleversements nés des nouvelles technologies et de l’économie numérique, qui affectent l’emploi, le travail, la santé, la culture. 

Vous contestez un mode développement insoutenable et êtes déterminés à mener un combat de longue portée pour un autre type de croissance, qualitative, créatrice d’emplois, durable et protectrice de l’environnement. 

Vous voulez libérer les femmes de la domination masculine ancestrale qu’elles subissent encore et conquérir partout l’égalité professionnelle. 

Vous avez la volonté de faire reculer la xénophobie et les discriminations que subissent les immigrés, et d’abord d’obtenir leur plein accès à la citoyenneté, à la fraternité syndicale et républicaine et au droit de vote qu’on leur refuse encore, plus de deux siècles après la proclamation de l’égalité des droits en 1789.

Ainsi, vous avez pris le relais des générations qui vous ont précédés. Vous poursuivez fièrement la construction d’une société plus humaine et plus solidaire. 

Alors au  nom de nos aînés et au nom de tous ceux qui, autour de vous, comptent sur l’action de notre syndicalisme, je vous  dis notre confiance collective. 

Oui, les syndicats CFDT, leurs militants et leurs adhérents, seront  chaque jour davantage la force créatrice qui fait progresser nos valeurs historiques et nos ambitions transformatrices dans les entreprises, les administrations et les cités,